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IntroductionBrahmanisme et Hindouisme,- humus commun où la pratique et les idées du Bouddha trouvèrent leurs racines,- n'ont pas développé d'idée de paternité particulière, tout comme la plupart des grandes religions qui ont vu le jour entre Gange, Indus, Mésopotamie et Nil. Cosmogonies, théogonies et anthropogonies, certes : monde matériel, monde des dieux et monde des hommes, où nous sont décrites toutes sortes de créations, transformations et intrications. Avec en plus, toues sortes de démêlés entre les dieux. Engendrements, générations, perpétuations : certes ! Mais une idée de PATERNITÉ en tant que telle, avec relations paternelle et filiale, faite d'amour et de tendresse, de révoltes et de réconciliations... rien de tel !En revanche,
Il faut attendre la Genèse, les Hébreux et la Bible des Juifs pour lire et entendre des phrases comme :' Quand Israël était enfant...', pour découvrir des 'histoires de famille' (la première), de 'patriarches' (encombrés de progéniture accordée par Yahvé), de 'Père de la Foi' (Abraham), de 'Père du judaïsme' (Moïse), de Père d'Israël ( Yahvé lui-même) : bref des histoires humaines où un Dieu-Père a 'des problèmes' avec sa famille, ses enfants, ses fils. Puis l'Évangile nous apprendra que le seul Fils éternel de ce Dieu-là, etc. Bouddhisme et notion de paternité.
Ce que nous savons du Prince Siddhartha, Gotama, de la tribu des Sakya, c'est qu'il est le fils du petit roi de Kapilavastu,- territoire situé actuellement à la frontuère indo-népalaise - qu'il a épousé une jeune princesse, dont il a eu un fils Rahula. C'est vers l'âge de 29 ans qu'il aurait définitivement pris la voie qui le mènera à l'Illumination et à la vie errante et nomade de prêcheur. Il ne reverra sa femme et son fils qu'incidemment, et il essaiera de les convaincre de le suivre dans sa voie. A sa mort, il ne sera fait aucune mention de la présence ou de l'absence de sa famille. En revanche, deux êtres, ses disciples, vont lui être attachés de façon particulière, selon une relation de paternité spirituelle, pourrait-on dire. Il s'agit d'une part
Qu'est-ce donc que ce Bouddhisme primitif ?Siddhartha, qui deviendra le Bouddha, est hanté par une double préoccupation :
Le Bouddha n'est ni un prophète ni un dieu, mais un homme qui, grâce à des efforts intellectuels et moraux exceptionnels, a percé le mystère de la destinée humaine : sa doctrine offre ainsi à l'esprit humain des fondements extrêmement solides. Mais comme la graine, sollicitée par l'eau et la chaleur, doit s'ouvrir et se transformer en une plante qui apparemment ne lui ressemble plus en rien, la doctrine originale du Bouddha, sous la pressions des besoins religieux et mystiques de l'âme humaine qu'elle laissait insatisfaits, a donné naissance à des bouddhismes différents, qui, eux aussi, ne rappellent que vaguement le bouddhisme primitif, athée et agnostique, mais qui néanmoins témoignent de sa fécondité exceptionnelle. Une doctrine aussi radicale ne pouvait qu'entraîner des réactions de contestation dès les tout débuts, dans la mesure où le vieux Sakyamuni n'avait voulu,- par principe,- désigner aucun successeur et laissait les "moines",- qui s'étaient regroupés autour de lui presque malgré lui,- libres de s'organiser à leur guise. Quant à lui, il n'avait jamais cessé de considérer sa voie, comme un chemin solitaire, difficile et quasi intransmissible, chacun devant faire sa propre expérience de lui-même.
C'est pourquoi, la suite des aventures de sa doctrine se chargera de donner naissance à des formes théoriques d'abord, sociales ensuite, d'une possible attitude de type paternel de la part de ceux qui, tout en se réclamant du Bouddha historique, ne se sentiront pas moins libres,- entre les 5° et 1er siècles avt J-C.-, d'interpréter, de développer et d'inventer formes, atttitudes et comportements nouveaux qui s'inspireront,
BOUDDHAS & BODHISSATVASAinsi
1. Tout d'abord, les Bouddhas non historiques, issus de l'imaginaire religieux, et qui fonctionnent comme autant de modèles d'éons (d'âges) précédant le nôtre, et bientôt; le suivant, par avance. Ces Bouddhas vont de plus en plus revêtir la signification que nous donnerions au mot 'dieu', si nous les comparions aux divers polythéisme que nous connaissons. Ces 'nouveaux dieux des Bouddhismes' sont caractérisés par leur dons spécifiques : le plus répandu, au Japon, par exemple, est le Bouddha Médecin, qui guérit de tous les maux, mais dont la bonté est plus thérapeutique que paternelle.
2. Ensuite, voici l'une des plus belles figures jamais élaborées par la méditation, puis par la dévotion enfin par l'art bouddhiques : il s'agit du merveilleux Bodhissatva, cet être humain en route vers l'Illumination, capable de pratiquer toutes les vertus (Mahaprajanaparamita), en mesure d'atteindre non seulement la Bodhi, mais aussi de parvenir au Nivarna, et pourtant... mettant ces achèvements en sursis continuel, pour demeurer 'encore et encore' au service de ses frères et soeurs les humains. (En effet, une fois réalisée la Bodhi et atteint le Nirvana, c-à-d une fois parvenu au stade de Bouddha,- l'état de la Bouddhéité,- le nouveau Bouddha se 'désintéresse' de tout le reste et de tous les autres, entièrement voué à demeurer dans cet état d'achèvement de tout concernement qui est la perfection même de la quête bouddhique : un être-sans-être, un pur-être-là-sans-raison-ni-but, une présence-absence-dans-un-temps-espace-sans-temps-ni-espace). Le plus célèbre de des Bodhissatvas inventés par la piété indo-irano-bouddhique est AVALOKITSVARA = Celui qui regarde d'en haut avec compassion. (Cette conception doit beaucoup à la dévotion que les indiens de Mathura montraient pour Krishna). Ce Bodhissatva a connu et connaît encore aujourd'hui une immense carrière : exporté en Chine, il se féminisa même, mais tout en demeurant androgyne, sous le nom de Kwan Yin; débarquant au Japon, il devint Kannon, dont les mille bras des représentations sino-nippones illustrent bien les mille grâces qu'on le reconnaît capable d'accorder ! (C'est une figure de Christ Sauveur, qui doit aussi beaucoup à l'influence judéo-chrétienne véhiculée par les routes du commerce et de la guerre.) Mais encore là, plus que paternelle, la relation est fraternelle !
Des Bouddhas thérapeutes et des Bodhissatvas paraclets !
Soit ! Mais qu'en est-il de ce Père, à l'instar de Celui que nous révèle Jésus, dans l'Évangile de Jean par exemple ? LE MAÎTRE ET LE DISCIPLEC'est peut-être là,- dans cette matrice de l'enfantement spirituel, dans ces entrailles de la gestation de l'esprit, dans cet événement de la bouddhéité à naître,- que l'on est en mesure de trouver le plus approchant de nos concepts de paternité, dans ses dimensions tant affective que générative.
Ainsi, bien que le disciple fasse la démarche initiale, c'est le Maître qui choisit son disciple, le forme, lui transmet l'esprit et en fait un maître à son tour : d'une certaine façon, il lui appartient ! (En passant de monastère en monastère pour participer aux deux saisons annuelles de retraites, le moine coréen de la secte Chogye,- la plus proche de l'esprit et de la tradition des Maîtres chinois du 12° siècle,- doit décliner non seulement le nom du monastère d'où il vient, mais encore plus, celui du Maître dont il est le disciple : double identification !)
LA PATERNITÉ
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